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Le milliardaire franco-libanais Iskandar Safa, propriétaire de « Valeurs Actuelles », est mort

A première vue, rien ne distingue le dernier numéro de Valeurs actuelles des précédents. En couverture, l’hebdomadaire annonce une interview de Michel Onfray sur « l’effondrement de la France en tout et partout ». Mais son logo s’affiche sur un fond noir, en signe de deuil. Son propriétaire, l’homme d’affaires franco-libanais Iskandar Safa, est mort lundi 29 janvier, à Mougins (Alpes-Maritimes). Agé de 68 ans, il avait « affronté ces derniers mois une maladie grave », selon le communiqué annonçant son décès. Une photo de « Sandy », comme l’appelaient ses proches, orne un coin de la couverture.
Les photos d’Iskandar Safa étaient rares, tout comme ses apparitions publiques. Il préférait gérer dans la discrétion sa fortune, réalisée pour l’essentiel dans la vente de navires de guerre. Selon le classement annuel établi par le magazine Challenges, il détenait en 2023 la 86e fortune de France, évaluée à 1,45 milliard d’euros. « On dit que je suis mystérieux, mais je ne sais pas d’où ça vient », s’amusait-il en 2019, lorsque Le Monde l’avait rencontré pour dresser son portrait.
Le mystère commence dès sa jeunesse. Né en 1955, dans une famille de la grande bourgeoisie chrétienne libanaise, Iskandar Safa a 20 ans lorsque la guerre civile éclate. Il ne souhaitait pas évoquer sa participation aux combats, dans les rangs des Gardiens du cèdre, une milice chrétienne. Il était plus bavard sur ses études à l’Insead, l’école pour futurs hommes d’affaires de Fontainebleau (Seine-et-Marne), et ses débuts dans l’hôtellerie, pour des investisseurs saoudiens.
Son nom apparaît pour la première fois dans la presse française en 1988, lors de la libération des otages français du Liban. Dans son pays natal, Iskandar Safa, bien que chrétien maronite, avait des contacts précieux chez les chiites. Il en aurait fait bénéficier Jean-Charles Marchiani, le négociateur de l’ombre du ministre de l’intérieur Charles Pasqua, permettant d’établir le contact avec les ravisseurs. Iskandar Safa réapparaît dans la presse française en 1992, cette fois en capitaine d’industrie et en sauveur d’emplois. Il rachète les Constructions mécaniques de Normandie, un chantier naval de Cherbourg spécialisé dans les navires militaires, au bord de la faillite. Il rouvre son carnet d’adresses, et obtient au fil des années des contrats avec le sultanat d’Oman, le Koweït, les Emirats arabes unis ou encore l’Arabie saoudite. Il obtient la nationalité française en 1999.
C’est à cette époque que la justice s’intéresse à lui. Elle enquête sur le versement supposé d’une rançon pour la libération des otages, et suspecte Iskandar Safa d’en avoir détourné une partie au profit du clan Pasqua. En 2002, un mandat d’arrêt international est lancé contre Iskandar Safa. L’homme d’affaires continue à signer des contrats pour les Constructions mécaniques de Normandie, avec la bénédiction du gouvernement français, mais pour échapper à une interpellation, il évite de mettre les pieds en France et gère ses affaires depuis Beyrouth. Sept ans plus tard, en 2009, il bénéficie d’un non-lieu.
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